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EAU/Tunisie : une crise diplomatique sur fond de guerre froide

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Le 22 décembre dernier, la compagnie de vol Emirates a interdit aux femmes tunisiennes de monter à bord de ses avions. La raison officielle donnée par les autorités émiraties était qu’il y avait une menace terroriste d’une femme qui se préparait à monter à bord d’un avion de la compagnie Emirates pour perpétrer un attentat. Cette décision a provoqué une crise diplomatique entre les deux pays.

C’est une première dans le monde de l’aviation : une compagnie a interdit la montée de femmes ressortissantes d’un pays en particulier de monter à bord de ses avions. C’était pourtant la décision de la compagnie Emirates le 22 décembre dernier. Cette décision fût fortement contestée en Tunisie sur les réseaux sociaux et dans les médias. La réponse des autorités tunisiennes n’arriva que deux jours plus tard : la Tunisie a alors interdit aux avions de la compagnie d’atterrir sur son territoire, plongeant ainsi les deux pays dans une crise diplomatique qui a duré jusqu’au 5 janvier, date à laquelle la Tunisie a annoncé la reprise des vols de la compagnie émiratie.

Une crise qui ne dit pas son nom

Malgré ces différentes décisions, les autorités tunisiennes et émiraties n’ont jamais officiellement admis l’existence d’une crise. Les deux gouvernements ont déclaré vouloir travailler ensemble afin de trouver une solution à l’impasse qu’ils traversaient. Malgré cela, il est clair que les relations entre la Tunisie et les Émirats arabes unis se sont détériorées depuis la révolution de 2011. Rappelons que les Émirats étaient le premier investisseur étranger en Tunisie de 1996 à 2007 et qu’ils sont deuxièmes dans le classement général des investisseurs étrangers en Tunisie derrière la France. Or, après la chute du régime de Ben Ali et plusieurs signes montrent la dégradation des relations entre les deux pays. Par exemple, les Émirats ont en 2015 interdit l’octroi des visas aux Tunisiens – interdiction levée en février 2017. Cette crise est principalement due au rapprochement entre la Tunisie et le Qatar depuis la révolution, grâce notamment à l’arrivée au pouvoir du parti islamiste Ennahdha financé et soutenu par le Qatar, adversaire des Émirats dans la région.

Un message envoyé à Beji Caid Essebsi ?

Beji Caid Essebsi

Lors des élections de 2014 en Tunisie, les Émirats ont soutenu et massivement financé la campagne de l’actuel président tunisien Beji Caid Essebsi et son parti Nidaa Tounes, coalition entre des membres de l’ancien régime et certains leaders progressistes. L’objectif de ce parti était de battre les islamistes, ce pourquoi il a été soutenu par Abu Dhabi. Néanmoins, l’arithmétique des résultats des élections ainsi que certains choix politiques ont amené le candidat du Nidaa à s’allier à Ennahdha afin de former une majorité gouvernementale. Cette décision a été très mal vue par les Émirats qui y ont vu une trahison, eux qui espéraient un scénario à l’égyptienne, à savoir un retour à une situation équivalente à l’avant-révolution. L’interdiction de vol des femmes peut être considérée comme un message envoyé au président tunisien, car rappelons le, sa victoire a été vue en Tunisie comme la victoire des femmes ; sur les 1,7 millions de voix obtenues, plus d’un million étaient des voix féminines. Le président tunisien n’a d’ailleurs cessé de le rappeler dans nombre de ses discours : la femme tunisienne est un des symboles du bourguibisme, courant auquel il revendique son appartenance, en référence à Habib Bourguiba, père de l’indépendance tunisienne et connu pour ses mesures progressistes pour les droits des femmes.

Un fond de guerre froide régionale

Cet épisode n’est qu’un symptôme de plus de la guerre froide se déroulant entre les monarchies du Golfe aujourd’hui. La Tunisie étant le seul pays où le Printemps arabe a réussi, elle représente un enjeu majeur pour les puissances régionales. La rivalité entre les Émirats et le Qatar se traduit par leurs soutiens respectifs aux deux principaux partis en Tunisie : les islamistes d’Ennahdha et le parti Nidaa Tounes qui représente l’ancien régime. Cette situation est assez semblable à la situation en Égypte, où les Émirats ont soutenu le coup d’État du maréchal Sissi, tandis que le Qatar finançait le leader islamiste renversé Mohamed Morsi. Cette guerre froide qui ne dit pas son nom a depuis juin dernier atteint son paroxysme lorsque les Émirats, en compagnie de ses alliés saoudiens, égyptiens et koweïtiens ont mis en place un embargo sur l’émirat du Qatar qui s’est alors retrouvé esseulé et à la recherche d’alliés dans la région, ce qui explique son rapprochement avec l’Iran dans une géopolitique des alliances qui commence à devenir un peu plus claire.

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